Après les performances désastreuses enregistrées au premier semestre par les actions et les obligations, le comportement des marchés financiers en juillet peut paraître surprenant au vu de l’évolution de la conjoncture économique au cours des dernières semaines. En effet, le mois a été marqué par une progression des actions mondiales, des obligations gouvernementales et du crédit alors que les indicateurs économiques se sont nettement dégradés, alimentant les craintes d’une récession, et qu’une inflation toujours très élevée a conduit les grandes banques centrales à accélérer le rythme de remontée de leurs taux directeurs.
Changement de scénario : des craintes inflationnistes au risque de récession
Face à la montée des inquiétudes sur l’économie mondiale, et malgré les tensions géopolitiques toujours présentes, les cours des matières premières se sont orientés à la baisse. Le baril de Brent, après être passé sous 100 dollars courant juillet, a terminé le mois à 110 dollars (-4,2 % par rapport à fin juin) tandis que le baril de WTI affiche un recul mensuel de 6,8 % à 98,6 dollars. Les matières premières industrielles mais aussi les produits agricoles ont également enregistré des baisses et cette tendance se poursuit début août.
Ces évolutions ont amené les investisseurs à imaginer que le cycle de resserrement des politiques monétaires pourrait s’interrompre plus rapidement que prévu, les banques centrales renonçant à mettre en place des conditions financières trop restrictives alors que la croissance paraît menacée et que l’inflation pourrait ralentir.
Pourtant, malgré la contraction du PIB aux Etats-Unis au 2e trimestre (-0,9 % en rythme annualisé après -1,6 % au 1er trimestre), due, il est vrai, à un important déstockage (cf. graphique 1), et des enquêtes d’activité en berne dans la zone euro, en particulier en Allemagne, la Réserve fédérale américaine (Fed) et la Banque centrale européenne (BCE) ont relevé leurs taux directeurs en juillet (+75 pb le 27 et +50 pb le 21 respectivement).
La « récession technique », à savoir deux trimestres consécutifs de contraction du PIB, ne paraît pas être un bon guide pour juger de la santé de l’économie américaine compte tenu de la solidité de l’emploi, encore démontrée par le rapport sur l’emploi publié le 5 août. Toutefois, la dégradation des enquêtes d’activité en juillet avec un indice PMI composite préliminaire tombé à 47,5 (au plus bas depuis 26 mois) et la baisse de la confiance des ménages (au plus bas depuis février 2021 pour l’indice du Conference Board qui avait résisté à l’accélération de l’inflation jusqu’alors) font craindre, à terme, une dynamique moins solide.
Les banques centrales ont mis l’accent sur le suivi des indicateurs d’activité dans les prochains mois, c’est-à-dire sur une approche un peu moins systématique de la politique monétaire, mais n’ont, en aucun cas, remis en cause la nécessité de ramener l’inflation vers l’objectif de 2 %.
Un « pivot » un peu fragile
Le resserrement monétaire va donc se poursuivre mais, par rapport aux attentes qui prévalaient à la mi-juin, le consensus table désormais sur un mouvement moins agressif. Aux Etats-Unis, par exemple, les anticipations de hausses des taux de la Fed contenues dans les marchés faisaient ressortir à fin juillet un « taux terminal » de 3,25 % environ (contre 4,00 % à la mi-juin) et une première baisse au printemps 2023.
Cet enchainement si rapide ne paraît pas correspondre aux intentions de la Fed. Ce nouveau scénario (en train de s’imposer sous l’appellation « pivot de la Fed ») paraît assez fragile puisqu’il s’appuie essentiellement sur un commentaire de Jerome Powell lors de sa conférence de presse qui a qualifié le taux actuel des fonds fédéraux (2,25 % – 2,50 % après la hausse du 27 juillet) comme étant « neutre ». Les investisseurs en ont conclu que la Fed n’aurait pas besoin de relever beaucoup plus le taux objectif des fonds fédéraux. D’anciens et d’actuels membres du FOMC ont essayé de corriger ces attentes.
Rebond des actions mondiales en juillet
Après la réunion de politique monétaire de la Fed, le S&P 500 a gagné 2,6 % lors de la séance du 27 juillet grâce à la détente des taux longs. Les actions mondiales, qui avaient connu des variations hésitantes au cours de la première quinzaine, se sont orientées à la hausse et ont progressé de 6,9 % par rapport à fin juin (indice MSCI AC World en dollars). Même si une partie de la remontée des actions mondiales (+9,1 % entre le point bas du 17 juin et fin juillet) peut correspondre à une correction après les configurations extrêmes atteintes à la mi-juin, le rebond résulte essentiellement de la rapide détente des taux longs. Le rendement du T-note à 10 ans est passé de 3,50 % environ à la mi-juin à 2,65 % fin juillet et le rendement du Bund à 10 ans de 1,75 % à 0,80 %.
Dans ce contexte, au sein des marchés développés, les indices américains ont surperformé (+9,1 % pour le S&P 500) grâce aux premiers résultats plutôt favorables publiés par les entreprises et à la détente des taux longs qui a permis au secteur technologique de regagner du terrain. La progression des actions de la zone euro (+7,3 % pour l’Eurostoxx 50) a été solide malgré la très nette dégradation des enquêtes d’activité qui laisse envisager une récession au second semestre alors que la croissance (+0,7 % au 2e trimestre après +0,5 % au 1er) avait jusqu’à présent remarquablement résisté aux conséquences de la guerre en Ukraine. Au Japon, l’indice Nikkei 225 a gagné 5,3 % à l’issue d’un mois marqué par l’assassinat de l’ancien Premier ministre Shinzo Abe et la victoire de la coalition au pouvoir, interprétée par les investisseurs comme un élément renforçant l’hypothèse du maintien de la politique monétaire ultra-accommodante de la Banque du Japon.
Variations heurtées des devises
Les craintes de récession ont été le principal facteur à l’origine des variations sur le marché des changes en juillet. Ces inquiétudes ont été particulièrement fortes pour la zone euro en raison des incertitudes grandissantes sur l’approvisionnement en gaz russe cet hiver. Elles expliquent le passage à plusieurs reprises, entre le 12 et le 14 juillet, de la parité EUR/USD (1,0484 fin juin) sous le niveau symbolique de 1,00 en séance. Ce seuil n’avait plus été traité depuis juin 2002. Le mouvement a été déclenché par les opérations de maintenance sur le gazoduc Nord Stream 1 et le risque que les livraisons de gaz ne reprennent pas après les dix jours d’interruption prévus. Le cas ne s’est pas présenté mais, après la reprise des livraisons, les flux restent largement inférieurs à la normale.
Dans ce contexte, malgré la hausse plus forte que prévu des taux directeurs annoncée par la BCE le 21 juillet, la remontée de l’euro est restée modeste. La parité EUR/USD a connu des variations heurtées autour de 1,02 pour terminer à 1,0220, en baisse de 2,5 % par rapport à fin juin. Le dollar a profité des doutes sur la croissance mondiale, qui expliquent également la bonne tenue du yen et du franc suisse, tandis que la situation politique en Italie (démission de Mario Draghi de la Présidence du Conseil) a pu peser sur l’euro.
En fin de mois, alors que le dollar s’était apprécié en anticipation de la réunion de politique monétaire de la Fed, il est reparti à la baisse une fois que les investisseurs ont imaginé que le cycle de resserrement de la politique monétaire américaine serait moins long qu’initialement prévu. Du fait de ce changement brutal de scénario, la volatilité implicite calculée sur les devises du G7 a retrouvé en juillet son plus haut depuis mars 2020.
Savoir raison garder
Après s’être beaucoup inquiétés de l’inflation élevée, les investisseurs s’alarment à présent du risque de récession. Il est naturel que le consensus évolue au gré des informations disponibles et les risques sur la croissance sont effectivement plutôt baissiers mais les derniers ajustements des anticipations en matière de politique monétaire nous paraissent excessifs.
Dans la mesure où nous estimons que les banques centrales ne devraient pas dévier de leur feuille route, il nous est apparu opportun de renforcer l’ampleur de la sous-exposition de nos portefeuilles sur les obligations gouvernementales après leur récent rally.
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