Comme l’explique Thibaud Clisson, la fenêtre de tir pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C se referme vite mais il existe des solutions dans lesquelles il est possible d’investir pour faire en sorte que cet objectif reste à notre portée.
- Les politiques climatiques existantes sont très insuffisantes pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris sur le changement climatique et, en l’absence de durcissement, la planète se réchauffera de 3,2 °C d’ici 2100
- Les émissions annuelles de gaz à effet de serre (GES) ont poursuivi leur augmentation entre 2010 et 2020. Elles n’ont jamais été aussi élevées dans l’histoire de l’humanité
- En extrapolant la trajectoire actuelle, le budget carbone de 500 gigatonnes (Gt) qu’il nous reste pour limiter le réchauffement à 1,5 °C sera vraisemblablement épuisé avant la fin de la décennie.
Voici quelques extraits du dernier rapport du Groupe international d’experts sur le climat (Giec) sur l’atténuation du changement climatique. Ce document de près de 3 000 pages, à l’instar des rapports précédents sur la science du changement climatique et les impacts de ce dernier, livre un message clair quant à la nécessité pour nous d’agir pour le climat.
Une situation critique
Selon le Giec, pour atteindre l’objectif de 1,5 °C et en évitant ou en ne dépassant ce seuil que de manière très limitée, il faut que les émissions de dioxyde de carbone (CO2) amorcent une décrue d’ici 2025, diminuent de 43 % d’ici 2030 (par rapport à leur niveau de 2019) et que leur volume net soit nul (neutralité carbone) au début des années 2050.
Cela ne veut pas dire que nous pouvons nous reposer sur nos lauriers jusqu’en 2025. Plus vite nous commencerons à aplatir la courbe des émissions mondiales, mieux ce sera. Même si le taux de croissance annuel des émissions a légèrement ralenti au cours de la dernière décennie, les émissions ont tout de même augmenté dans tous les principaux secteurs de la société.
Il faut des politiques plus ambitieuses et des changements structurels pour lutter contre le changement climatique.
Le rapport souligne l’importance d’une baisse « rapide et marquée » des émissions dans le secteur de l’énergie. L’amélioration de l’efficacité énergétique n’a pas suffi à compenser l’accélération de l’activité économique dans tous les domaines qui font appel à l’énergie. Il est également indispensable de réduire (de 34 % d’ici 2030, selon le Giec) les émissions de méthane imputables, entre autres, au secteur de l’énergie.
Le Giec évalue le risque d’obsolescence des actifs liés aux combustibles fossiles dans une fourchette de 1 000 à 4 000 milliards de dollars entre 2015 et 2050 si le réchauffement de la planète est limité à 2 °C dans les décennies à venir. Les actifs liés au charbon sont les plus vulnérables. Viennent ensuite ceux liés au pétrole et au gaz. À elle seule, l’abolition des subventions aux combustibles fossiles pourrait permettre de réduire les émissions d’environ 10 % d’ici la fin de la décennie, selon le rapport du Giec.
Dans l’ensemble, Il faudrait que la consommation mondiale de charbon diminue de 95 % d’ici 2050 par rapport à 2019. S’agissant du pétrole et du gaz, la diminution nécessaire est estimée à 60 % et 45 % respectivement.
Il existe des solutions
S’agissant des bonnes nouvelles, le rapport souligne qu’il existe des solutions pour décarboner le secteur de l’énergie, qui sont facilement accessibles et de moins en moins coûteuses. Le coût de l’énergie solaire et de la production de batteries lithium-ion a chuté de 85 % lors de la dernière décennie. Quant à l’énergie éolienne, son coût a diminué de 55 % sur la même période.
Les responsables politiques s’efforcent de résoudre ce problème. La multiplication des politiques et des lois destinées à réduire les émissions de GES, qui couvrent désormais 53 % des émissions mondiales a empêché l’entrée dans l’atmosphère de 5,9 Gt de CO2 par an ces dernières années, selon le rapport du Giec.
Environ 20 % des émissions mondiales sont couvertes par des mécanismes de tarification carbone. Par ailleurs, une étude récente a indiqué que si tous les engagements actualisés en faveur du climat pris à l’occasion de la COP26 sont respectés, le réchauffement pourrait être limité à 1,9 ou 2 °C.
Du côté de la demande, les mesures d’atténuation visant à réduire la consommation de biens et de services à forte empreinte carbone pourraient se traduire par une baisse des émissions mondiales de 40 à 70 % d’ici 2050, tout en réduisant la nécessité de retrait de CO2, soulageant ainsi la pression sur les sols et l’amélioration du bien-être des humains. D’après le rapport, l’alimentation est le principal levier de diminution des émissions, suivi par le transport terrestre.
Transformer le secteur du transport pour réduire la demande et améliorer l’offre de transport public et développer le recours à la voiture électrique sont également fondamentaux, tout comme l’investissement dans les infrastructures de transport.
Même si les trajectoires modélisées dans le rapport impliquent pour la plupart un certain niveau de retrait de CO2 pour compenser les émissions difficiles à réduire et faire baisser la concentration en CO2 dans l’air après un modeste dépassement, force est de constater que d’importantes réductions à court terme nous éviteraient de recourir ultérieurement à des technologies à émissions négatives, ce qui souligne l’importance d’une action concrète dès aujourd’hui.
Même si les auteurs du rapport alertent les responsables politiques et les entreprises sur l’urgence climatique, ils soulignent également qu’il existe des solutions pour que les investisseurs contribuent à une réduction plus rapide des émissions.
Le coût de l’action en faveur du climat – quelques points de pourcentage de PIB mondial perdus d’ici 2050 – nous semble dérisoire par rapport au coût des tergiversations. Agir dès maintenant aurait des avantages transverses conséquents du point de vue de la santé publique et du développement durable.
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