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Transformer notre système alimentaire afin qu’il soit apte à relever les défis futurs

Le système alimentaire mondial génère beaucoup d’émissions et de gaspillage. Comment les investisseurs peuvent-ils contribuer à le transformer ? Rachel Crossley, Head of Stewardship for Europe chez BNP Paribas Asset Management, se penche sur le sujet.

La guerre en Ukraine a eu pour effet, entre autres, de mettre en évidence la fragilité de notre système alimentaire mondial. Comme nous l’avons vu précédemment, l’indice des prix alimentaires de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a atteint il y a quelques mois son plus haut niveau depuis les chocs pétroliers des années 1970. En dépit de son repli, il reste à des niveaux élevés observés pour la dernière fois en 2011.

Dans ces conditions, de nombreuses familles ont plus de mal à se nourrir, sachant que chaque augmentation de 1 % des prix des aliments précipite 10 millions d’individus supplémentaires dans la pauvreté extrême.

La tendance était déjà à la hausse des prix avant ces chocs. Il faut des mesures fortes pour créer un système alimentaire apte à relever les défis futurs, notamment celui de la réduction des émissions de gaz à effet de serre qui lui sont imputables à hauteur de 37 %. En effet, l’agriculture et la principale source anthropogène d’émissions de méthane, le deuxième plus puissant gaz à effet de serre.  Un tiers des aliments produits finit à la poubelle.

Selon un rapport de l’ONG Feedback EU, 153 millions de tonnes d’aliments finissent chaque année à la poubelle. Pendant ce temps, les phénomènes météorologiques imputables au changement climatique détruisent des terres agricoles, créant ainsi des famines, par exemple au Pakistan, au Nigeria et dans la corne de l’Afrique.

Le lien entre le climat et l’alimentation

BNP Paribas Asset Management est fière de compter parmi les conseillers stratégiques d’une analyse commandée par l’association des PRI au cabinet de conseil Vivid Economics pour produire une estimation rigoureuse des risques et des opportunités inhérents la transformation du système alimentaire.

Le système alimentaire est encore plus vulnérable en raison des effets du changement climatique à long terme, notamment les inondations, la sécheresse et la chaleur extrême. Comme le souligne l’initiative Race to Zero, les catastrophes imputables au changement climatique ont causé 108 milliards de dollars de pertes pour les agriculteurs et les éleveurs dans les pays en développement entre 2008 et 2018.

En l’absence de mesures, les entreprises agroalimentaires internationales pourraient perdre irrémédiablement jusqu’à 26 % de leur valeur ici 2030 avec une perte moyenne supérieure à 7 % pour le secteur.

En outre, pour atteindre la neutralité carbone, le système alimentaire doit entreprendre sa propre transition.

Compte tenu de l’ampleur des émissions générées par le système alimentaire, le GIEC a souligné que la limitation du réchauffement de la planète à 1,5°C ambitionnée dans l’Accord de Paris est impossible sans une réforme des modes de production et de transport des aliments ou une modification substantielle des habitudes alimentaires. De même, les Objectifs de développement durable à l’horizon 2030 sont hors d’atteinte en l’état actuel des choses.

Pour mener à bien la transition du système alimentaire et réformer l’utilisation des terres, il faut qu’une multitude d’acteurs travaillent main dans la main et que l’humanité adopte un mode de vie respectueux des limites planétaires. En 2019, la commission EAT-Lancet a publié son rapport définitif sur les régimes alimentaires sains issus de systèmes alimentaires durables. Elle a appelé à l’adoption de régimes végétariens, à la réduction du gaspillage alimentaire et à une nette amélioration de la chaîne d’approvisionnement agroalimentaire.

Une telle transformation suppose que toutes les entreprises travaillant dans ce secteur adaptent leurs opérations.

Pour les aider, l’organisation Science-Based Target initiative (SBTi) a formulé des recommandations à l’intention des entreprises consommatrices de terres agricoles pour se fixer des objectifs de transition cohérents avec les connaissances scientifiques relatives au climat. Le très attendu guide FLAG (Forest, Land and Agriculture) publié récemment porte sur les émissions liées, entre autres, à la déforestation et à l’érosion/dégradation des sols, ainsi que les émissions liées à la gestion des sols.

Pour que le SBTi considère qu’une entreprise s’est fixé des objectifs fondés sur la science –  une exigence de plus en plus courante des investisseurs – il faut que les objectifs fixés soient cohérents avec des scénarios dans lesquels le réchauffement de la planète serait limité à 1,5°C d’ici 2050. Leurs objectifs doivent couvrir au moins 95 % des émissions y afférentes pour les scopes 1 et 2 et 67 % pour le scope 3.

Comment les investisseurs peuvent-ils apporter leur pierre à l’édifice ?

Il est essentiel que les entreprises et les investisseurs agissent dès maintenant pour contrer le risque considérable de l’investissement dans des pratiques alimentaires intenables. La déforestation visant à cultiver du soja ou à pratiquer l’élevage bovin a été qualifié de « nouveau charbon » dans les portefeuilles. Autrement dit, investir dans des entreprises qui sont à l’origine de la déforestation peut engendrer des risques financiers, réglementaires et réputationnels.

Ces entreprises joueront un rôle fondamental dans la transformation du système alimentaire en facilitant l’adoption de régimes végétariens et la production de protéines alternatives, en adoptant l’agro-écologie et les pratiques agricoles régénératives qui réduisent la dépendance aux engrais chimiques et séquestrent davantage de carbone dans le sol, en réduisant le gaspillage et en électrifiant le transport et la chaîne du froid au moyen des énergies renouvelables.

Cela créera des opportunités pour les investisseurs d’un bout à l’autre de la chaîne de valeur, depuis la production jusqu’au conditionnement et à la distribution des aliments. Selon une étude de Race to Zero, les solutions pour un système alimentaire résilient, respectueux de la nature et neutre en carbone pourraient générer jusqu’à 4 500 milliards de dollars de nouvelles opportunités commerciales chaque année d’ici 2030.

S’agissant de la production, il est nécessaire d’orienter les capitaux vers les entités qui s’efforcent de réduire les émissions et de diffuser les pratiques qui consomment moins d’eau. C’est le cas notamment de l’agriculture régénérative (qui vise à régénérer la couche superficielle des sols et à améliorer la biodiversité), des techniques d’agriculture de précision et de la valorisation du lisier.

Dans ce domaine, BNP Paribas Asset Management propose des solutions d’investissement dans la restauration des écosystèmes qui financent, entre autres, une société d’agriculture en milieu fermé et contrôlé qui a recours à l’intelligence artificielle, à la robotique et aux énergies renouvelables pour réduire autant que possible la consommation d’eau et d’énergie.

Comme nous l’avons souligné précédemment, il existe de belles opportunités dans les protéines végétales et alternatives. Ce dernier marché, qui englobe la viande de culture, les protéines d’insectes et les mycoprotéines (protéines de champignons), devrait être multiplié par sept d’ici 2035. Il conviendra de prendre en compte les enjeux de la nutrition et de la consommation d’énergie dans la production de ces dernières.

La production d’aliments d’origine végétale génère en moyenne dix fois moins d’émissions de CO2 que la production d’aliments d’origine animale. Une étude du BGC indique que l’investissement dans les protéines végétales a plus d’impact en termes de réduction des émissions que le capital déployé dans tout autre domaine. Cette tendance est pertinente aussi du point de la vue de la santé. D’ailleurs, la Commission EAT-Lancet recommande de réduire d’au moins 50 % la consommation de viande rouge pour préserver notre planète, mais aussi notre santé.

S’agissant de la distribution, les chaînes du froid durables revêtiront une importance cruciale dans la mesure où, aujourd’hui, environ 13 % du gaspillage alimentaire résulte de ruptures de la chaîne du froid. Pour réduire les émissions, on peut aussi investir dans la transformation des chaînes du froid au moyen de technologies de refroidissement économes en énergie, qui ont recours à des fluides réfrigérants écologiques plutôt qu’à des hydrofluorocarbures et sont alimentées par des énergies renouvelables.

Tout au bout de la chaîne de valeur, l’investissement dans les réseaux de transport décarbonés et les technologies permettant de distribuer les aliments constitue une opportunité qui peut profiter à d’autres chaînes d’approvisionnement. Il existe d’autres opportunités pour améliorer les chaînes d’approvisionnement, comme l’investissement dans des systèmes de mesure et de commande plus performants. Par ailleurs, la blockchain pourrait contribuer à une plus grande transparence de la chaîne d’approvisionnement, par exemple en ce qui concerne l’utilisation d’emballages durables, non issus du pétrole.

Enfin, un dialogue étroit entre les investisseurs et, d’autre part, les entreprises et les responsables politiques est essentiel pour transformer le système alimentaire.

BNP Paribas Asset Management œuvre à cette transformation de plusieurs façons. En 2021, nous avons rejoint la FAIRR Initiative, qui établit l’indice Coller FAIRR Protein Producer et facilite l’engagement des investisseurs sur des enjeux liés à l’élevage intensif.

Nous poursuivons le dialogue sur ce sujet avec divers acteurs du secteur agroalimentaire et saisissons les occasions qui se présentent pour exhorter les responsables politiques et les organes normatifs à mettre en place les cadres nécessaires et les mécanismes légaux et réglementaires pour encourager cette transformation. Par exemple, nous avons récemment co-signé une lettre rédigée par la FAIRR à l’intention de la FAO pour inviter cette dernière à établir une feuille de route vers la neutralité carbone du secteur agroalimentaire.

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