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Montée des eaux – L’impact des inondations côtières sur le risque de crédit souverain

Alors que le niveau des mers continue d’augmenter, les inondations côtières constituent déjà une menace économique considérable – et croissante – pour les régions de basse altitude. Une recherche universitaire récente – présentée lors de la dernière conférence de la Global Research Alliance for Sustainable Finance and Investment (« GRASFI ») – cherche à savoir si les investisseurs tiennent compte de ce danger et le couvrent en utilisant l’exposition des pays à de telles inondations.

Cet article fait partie de notre série dédiée à la recherche académique actuelle sur des thèmes liés à l’investissement durable. Les articles mentionnés ont été présentés lors de la dernière conférence annuelle de la GRASFI. Nous sommes partisans de l’investissement durable fondé sur la science. Un partenariat avec des chercheurs universitaires peut apporter une valeur ajoutée. En effet, des recherches approfondies peuvent nous aider à saisir l’ampleur du changement climatique et de la perte de biodiversité, à quantifier les risques et à élaborer des solutions adaptées. C’est pourquoi nous parrainons la conférence annuelle de la GRASFI et partageons les résultats scientifiques pertinents avec les investisseurs, les clients et l’ensemble du secteur de la gestion d’actifs sur nos sites Internet.

En utilisant les spreads des swaps de défaut de crédit (CDS) souverains comme primes intégrant des informations sur la qualité du crédit et la demande d’assurance, l’auteur[1] de l’étude « Surging sovereign spreads: The impact of coastal flooding on sovereign risk » conclut que les fortes ondes de tempête augmentent le risque de crédit des pays touchés sur l’ensemble des échéances contractuelles.

En examinant les pays les plus vulnérables aux inondations côtières à court terme, l’étude montre une relation positive et significative entre le risque de crédit souverain et l’attention mondiale et locale portée aux risques physiques et d’adaptation.

En revanche, les investisseurs ne tiennent pas compte des tendances négatives futures des inondations dans le cadre des projections des modèles climatiques concernant le niveau de la mer, l’affaissement des sols ou la croissance démographique.

Selon l’étude, les pays qui ont mis en place une protection contre les inondations centennales ne voient pas leur risque souverain augmenter pendant les périodes d’attention accrue portée au risque d’adaptation. D’autres tests démontrent une relation positive et significative entre le trading de CDS souverains et l’attention, montrant clairement que les investisseurs s’assurent contre les pays déjà exposés aux inondations.

Les résultats semblent indiquer que le risque de crédit souverain augmentera avec la conscience des inondations côtières, ce qui entraînera des pressions financières accrues pour les pays exposés. Les inondations côtières ont des effets désastreux sur la vie des personnes et l’économie des pays. Ce fut notamment le cas des inondations de 2011 en Thaïlande, qui ont fait plus de 800 morts et causé des pertes économiques de 40 milliards de dollars[2].

Divers facteurs accroissent la probabilité de graves dommages causés par de futures ondes de tempête, parmi lesquels :

  • L’augmentation du niveau moyen des océans à l’échelle mondiale, qui devrait s’établir à 1,3 mètre d’ici 2100 ;
  • Le nombre de personnes vivant dans des zones côtières de basse altitude. Il devrait passer de 625 millions en 2000 à 1,4 milliard en 2060[3] ;
  • L’affaissement des terres côtières.

Bien que ces facteurs risquent d’accroître la gravité et la fréquence des catastrophes liées à la montée des eaux dans les pays côtiers, il existe des disparités importantes entre les régions.

Risque démographique actuel et risque lié aux tendances

L’auteur considère les populations comme une mesure de l’activité économique. Par conséquent, la vulnérabilité d’un pays aux inondations côtières peut être évaluée en fonction de deux composantes : le risque démographique actuel et le risque lié aux tendances1.

L’exposition démographique actuelle désigne la vulnérabilité actuelle de la population d’un pays aux inondations côtières.

Cette situation a peu évolué dans l’histoire moderne. Les changements observés récemment en la matière sont principalement les mouvements de population, car cela fait seulement deux décennies que l’on observe une accélération de la hausse du niveau des mers liée au changement climatique.

En revanche, le risque lié aux tendances correspond au rythme futur auquel un pays verra sa population côtière, l’affaissement des terres et le niveau de la mer augmenter. Ces trois facteurs s’accumulent et exacerbent le risque démographique actuel, ainsi que le risque de futures catastrophes côtières.

L’étude cherche à déterminer si les investisseurs tiennent compte de ces deux types de risques liés aux inondations côtières en prenant des assurances souveraines pour se protéger contre les catastrophes. L’auteur se concentre sur les spreads de CDS souverains, car ils sont considérés comme un indicateur fiable de la situation financière d’un pays, sont des instruments utiles pour s’assurer contre le risque et sont disponibles sur plusieurs horizons temporels.

La montée des eaux pourrait faire monter les prix des CDS

Il semble que les investisseurs exigent une assurance plus protectrice lorsqu’ils sont particulièrement attentifs aux menaces climatiques. Plus précisément, les investisseurs préoccupés par le fait que les catastrophes naturelles puissent avoir une incidence sur la solvabilité sont susceptibles de souscrire une assurance contre le risque de défaut pour les pays les plus exposés. Cela aura ensuite pour effet d’augmenter le prix d’équilibre des spreads des CDS souverains, en particulier pour les échéances plus longues.

Lorsque les ondes de tempête représentent une menace systémique pour les pays particulièrement vulnérables, l’assurance souveraine se révèle encore plus précieuse et les prix augmentent lorsque les investisseurs sont attentifs à la gravité actuelle et future des inondations côtières et de l’élévation du niveau de la mer.

L’auteur recueille des données historiques sur les ondes de tempête liées à des catastrophes environnementales internationales et effectue des régressions sur des données de panel pour examiner les chocs associés au risque de crédit d’un pays. Les résultats indiquent que les ondes de tempête violentes sont associées à une forte diminution de la solvabilité des pays.

Pour vérifier si les investisseurs prennent en compte les risques liés aux tendances, l’étude sélectionne des pays affichant une amélioration et d’autres affichant au contraire une dégradation d’après les tendances historiques et futures de la hausse du niveau de la mer, en se concentrant uniquement sur la croissance du spread des CDS à 10 ans.

Les résultats révèlent que ni les tendances historiques ni les tendances futures ne sont prises en compte. Les investisseurs n’intègrent tout simplement pas les tendances en matière d’élévation du niveau de la mer lorsqu’ils achètent une assurance contre les futures ondes de tempête.

Les conclusions suggèrent que les investisseurs n’intègrent pas non plus les informations complexes relatives à la vulnérabilité liée aux tendances, mais se concentrent plutôt sur l’exposition aux risques démographiques actuels, plus simples à quantifier.

Conséquences pour les responsables politiques

L’étude montre que l’activité de trading de CDS souverains augmente lorsque les risques climatiques font l’objet d’une attention accrue. On constate que le taux de croissance des transactions hebdomadaires et des montants notionnels bruts des CDS souverains est positivement associé aux risques en matière d’adaptation et de réchauffement climatique. Les conclusions confirment que les investisseurs se couvrent contre le risque souverain à l’aide de CDS.

L’auteur affirme que ces résultats ont des conséquences importantes pour les décideurs politiques. Les pays exposés à la hausse du niveau de la mer seront amenés à construire des infrastructures résilientes grâce à des financements publics tels que les emprunts d’État.

Toutefois, à mesure que le risque souverain augmentera parallèlement à la conscience des inondations côtières, l’émission de dette publique coûtera également plus cher. Ces deux facteurs pèseront sur les finances des pays fortement touchés.

« Cette étude intéressante se concentre sur les 13 pays les plus vulnérables aux inondations côtières à court terme et met en évidence une relation positive et significative entre le risque de crédit souverain et l’attention mondiale et locale accordée aux risques physiques et d’adaptation. Des inondations plus fréquentes et plus violentes menacent les économies, les infrastructures et les biens immobiliers des zones côtières. Par conséquent, l’augmentation du niveau des mers pose de plus en plus de risques de crédit pour de nombreux pays et gouvernements côtiers. D’autres études comme celle-ci devraient donc voir le jour et rappeler l’importance du risque climatique physique, comme l’augmentation du niveau de la mer, pour les crédits souverains. Toutefois, je ne suis pas d’accord avec l’auteur qui affirme que les investisseurs ne tiennent pas compte des tendances futures défavorables liées aux inondations dans le cadre des projections des modèles climatiques concernant le niveau des mers, l’affaissement des terres et la croissance démographique. En effet, chez BNPP AM, nous intégrons bel et bien des données prospectives sur le risque climatique physique, y compris sur les événements et les aléas météorologiques graves, à notre modèle d’évaluation ESG des émetteurs souverains. D’ailleurs, il s’agit là d’un élément essentiel de notre évaluation environnementale des emprunts souverains. En dehors de ce point, je suis entièrement d’accord avec les résultats et les conclusions selon lesquels le risque souverain augmentera avec la conscience plus aiguë des inondations côtières, ce qui se traduira par des pressions financières accrues pour les pays exposés. »

Malika Takhtayeva, Sustainable Fixed Income Lead – EMEA

[1] Atreya Dey, University of Edinburgh Business School. Atreya.Dey@ed.ac.uk

[2] « Thai flood 2011: Rapid assessment for resilient recovery and reconstruction

planning. » Banque mondiale, 2012.

[3] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4367969/

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